Le "télé"--"phone" ou comment transmettre "au loin" -- "la voix" ?
Comment parler à un interlocuteur éloigné ?
Constat
A l'air libre, la voix se disperse dans toutes les directions et, dès qu'on s'éloigne un peu, le niveau reçu diminue et la voix devient trop faible pour être intelligible. De plus, tout le monde entend ce qu'on dit. On ne peut pas s'adresser à une seule personne en particulier : la communication n'est pas confidentielle.
1ère idée : faire passer la voix dans un tuyau afin de la canaliser et d'éviter qu'elle ne se disperse
Elle pourra ainsi aller plus loin et passer, par exemple, d'une pièce à l'autre ou bien de la maison vers le jardin.
De plus, seul, celui qui est à l'autre bout du tuyau entend ce qu'on lui dit : la communication devient confidentielle.
On va utiliser 2 entonnoirs ou 2 cornets reliés par un tuyau en plastique.
Ce système était utilisé, par exemple, dans les bateaux pour transmettre des ordres depuis la passerelle jusqu'à la machine, comme le montre la photo ci-contre.
Ce système est passif : il n'a pas besoin d'une source d'énergie extérieure pour fonctionner. Il est réversible : on parle et on écoute dans le même entonnoir. Sa seule source d'énergie est la voix de celui qui parle. Il a beaucoup de qualités : il est très simple, très économique, ne consomme pas d'énergine, ne s'use pas et ne tombe jamais en panne !!! Il marche bien mais jusqu'à un certain point : si le tuyau est vraiment très long, le son est quand même très affaibli et déformé.
2ème idée : transformer la voix en un signal électrique
On peut ensuite facilement transporter ce signal électrique à l'aide de fils puis retransformer le signal électrique en voix à l'autre bout.
On va utiliser un haut-parleur qui est "transducteur réversible" :
- si on parle devant lui, il génére un signal électrique qui représente la voix (il se comporte en microphone),
- si on lui applique un signal électrique qui représente une voix, il va faire entendre cette voix (il retrouve sa fonction de haut-parleur).
Il suffit donc de 2 haut-parleurs identiques connectés entre eux par un fil à 2 conducteurs pour réaliser notre téléphone, qui, du reste, fonctionne fort bien !
Là encore c'est un système passif, réversible et confidentiel comme le tuyau : il n'a pas besoin d'une source d'énergie extérieure pour fonctionner. Sa seule source d'énergie est la voix de celui qui parle, il faut donc parler assez fort tout contre le "haut-parleur-microphone" et bien coller son oreille à l'autre "haut-parleur-écouteur". Si on choisit bien les éléments qui constituent ce système (1), la distance couverte peut atteindre plusieurs centaines de mètres.
Si le fil est vraiment très long, le signal électrique s'en trouve trop affaibli et la voix, à l'autre bout, n'est plus audible.
3ème idée : apporter de l'énergie extérieure
On va utiliser une pile plate de lampe de poche, un micro à charbon et un écouteur de téléphone ancien.
La pile fournit de l'énergie sous la forme d'un courant électrique. Ce courant est modulé par le microphone à charbon (2) lorsqu'on parle devant, c'est à dire que l'intensité de ce courant va être le reflet de la voix. Mais, ce reflet est beaucoup plus puissant que dans l'expérience précédente, du fait de l'apport d'énergie par la pile. C'est un système actif. Ensuite, il est acheminé par les fils jusqu'à l'écouteur. L'écouteur (2) transforme le courant modulé en voix, exactement comme le haut parleur. On constate que le niveau sonore obtenu est beaucoup plus important qu'avec les haut-parleurs. Il autorise une transmission du message sonore sur plusieurs kilomètres. Mais la transmission ne se fait que dans un seul sens : elle est unilatérale.
Ce dispositif n'utilise que 3 composants :
4ème idée : un combiné téléphonique pour une conversation bilatérale
On va regrouper ensemble un micro et un écouteur dans un même support pour réaliser un "combiné téléphonique" permettant une communication bilatérale et donc une vraie conversation.
Tous les éléments sont reliés en série et connectés à la pile de lampe de poche. Chaque ensemble micro + écouteur est disposé dans un "combiné" (3) pour un maniement plus facile. Les combinés peuvent être séparés de plusieurs kilomètres sans compromettre la qualité de la communication. Ce système rudimentaire de démonstration est parfaitement fonctionnel et il utilise 5 composants seulement : 2 micros, 2 écouteurs et une pile ! Difficile de faire plus simple !
Comment appeler son correspondant pour pouvoir lui parler ?
Il n'est vraiment pas pratique de rester continuellement l'oreille collée à l'écouteur du combiné pour entendre l'appel de son correspondant, au cas où il voudrait nous parler !
Aussi, un dispositif d'appel a-t-il été inventé : une sonnerie qui permet d'alerter son correspondant et lui signifier qu'on voudrait lui parler, alors qu'il vaque librement à ses occupations.
Dans les postes les plus anciens, un petit alternateur mû par une manivelle, la "magnéto d'appel", envoie un courant alternatif vers la sonnerie du correspondant. Celui-ci est ainsi alerté et peut "prendre l'appel" en décrochant son combiné. Pour transmettre le courant d'appel, on utilise les fils déjà en place, qui donc vont être connectés :
- soit à la sonnerie si le combiné est "raccroché" (pour permettre la sonnerie),
- soit au combiné si celui-ci est "décroché" (pour permettre la conversation).
C'est le rôle du commutateur inverseur (A), qui est actionné par le poids du combiné lorsqu'on le "raccroche" sur le poste.
De plus, lorsqu'on tourne la manivelle de la magnéto d'appel pour appeler son correspondant, celle-ci va être connectée automatiquement aux fils de la ligne grâce au commutateur inverseur (B).
La position de repos de ces inverseurs est celle indiquée en gras sur le dessin.
Les fils de ligne L1 et L2 sont connectés à une installation similaire de l'autre côté (à l'exception de la pile qui n'est présente que d'un seul côté).
Remarque : Ce schéma, bien que fonctionnel, est simplifié par rapport à celui d'une installation réelle.
Comment sélectionner son correspondant parmi un grand nombre ?
Ce système fonctionne fort bien entre 2 correspondants seulement (interphone), mais ne permet pas de choisir un correspondant particulier dans la mesure où plus de 2 personnes veulent disposer du téléphone.
Les "centraux téléphoniques" ont donc été inventés pour qu'un grand nombre de personnes puissent disposer du téléphone et donc pour permettre de choisir le correspondant à qui on veut parler, à un moment donné. Les téléphones ne sont plus raccordés directement entre eux mais sont reliés à un "central téléphonique".
Mais encore faut il préciser au central téléphonique quel est le nom de la personne que l'on veut appeler, ou plutôt quel est le numéro de son poste téléphonique afin d'actionner sa sonnerie. L'établissement de la communication commence donc par un dialogue entre le poste de l'appelant et le central téléphonique pour lui donner cette information. Le poste de l'appelant doit transmettre au central les différents chiffres du numéro du poste appelé.
Première méthode : envoi d'"impulsions électriques" grâce au "cadran téléphonique"
Lorsqu'on relâche le cadran et qu'il retourne de lui même à sa position de repos, il envoie vers le central un nombre d'impulsions égal au numéro que l'on a composé, sachant que le "zéro" du cadran correspond à 10 impulsions. Dans le central téléphonique, un dispositif (enregistreur) compte les impulsions qu'il reçoit et peut ainsi connaître le numéro du poste que l'on souhaite appeler. Il fait sonner le poste appelé et, lorsque celui-ci décroche son combiné, Il établit un chemin électrique entre les 2 postes pour permettre la conversation.
Pour les besoins de la démonstration, on peut ralentir le retour du cadran, ce qui permet de compter les impulsions envoyée et vérifier que ce nombre correspond bien au chiffre composé.
De plus, le central intègre le dispositif d'envoi du courant de sonnerie et la fourniture d'énergie pour assurer la communication : plus besoin de la magnéto d'appel et de la pile !
Ce système avait (entre autres) l'inconvénient d'être lent.
Seconde méthode : envoi de "fréquences" grâce au "clavier"
C'est-à-dire, en quelque sorte, l'envoi d'un courant électrique représentant des "notes de musique". Ceci est apparu avec les "postes à touches" ou "postes à clavier" qui ont remplacé les "postes à cadran". Chaque touche enfoncée envoie au central téléphonique 2 "notes de musique" simultanément. On peut entendre ces notes qui sont quelque peu dissonantes mais que le central, lui, sait "décoder" : il reconnaît ainsi quelle est la touche que l'on a pressée pour envoyer ces 2 notes et donc le numéro de cette touche.
La phase de numérotation gagne beaucoup en rapidité.
Quelques compléments techniques
(1) Le système fonctionne mieux avec des haut-parleurs identiques de bonne qualité (au niveau du rendement), montés dans un petit coffret et d'une impédance assez élevée (50 à 100 \( \Omega \)). Ainsi, la résistance du fil assurant la liaison devient négligeable et la distance couverte est plus grande.
(2) Le microphone à charbon et l'écouteur proviennent d'un combiné téléphonique datant de l'époque des années 1970 (modèle "S63").
(3) On constate que l'on entend fortement le son de sa propre voix, ce qui peut être gênant. Il s'agit ici d'un système de démonstration rudimentaire et les postes téléphoniques de ce type étaient équipés d'un circuit permettant de supprimer cet inconvénient (dispositif "antilocal").